TotalEnergies : entre transition énergétique et compétitivité tarifaire

Énergie
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TotalEnergies et son action Total attirent particulièrement l’attention des investisseurs en 2024, après avoir remporté le prix du meilleur fournisseur d’électricité et de gaz avec une note remarquable de 109 points sur 150. Aujourd’hui, alors que 4,5 milliards de personnes dans le monde n’ont pas encore accès à un niveau d’énergie suffisant pour permettre un développement humain satisfaisant, le géant énergétique français affirme son engagement dans la transition énergétique.

Cependant, la stratégie de TotalEnergies présente des contradictions apparentes qui méritent votre attention si vous suivez l’action TotalEnergies sur les marchés financiers. D’une part, l’entreprise a dépassé le cap de 100 GW de capacité brute d’électricité en production, en construction ou en développement avancé, visant une rentabilité sur capitaux investis de 12% dans l’électricité. D’autre part, TotalEnergies prévoit d’augmenter sa production d’hydrocarbures de 3% par an, tout en aspirant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Cette dualité soulève des questions sur la sincérité de ses engagements environnementaux et l’impact potentiel sur total energie bourse. Pour comprendre cette apparente contradiction, examinons en détail la véritable stratégie verte de ce mastodonte énergétique.

Les engagements climatiques de TotalEnergies

Dans sa stratégie environnementale, TotalEnergies dévoile une ambition majeure qui pourrait influencer l’action total sur le long terme. Le groupe s’engage formellement dans une démarche de neutralité carbone à l’horizon 2050, en collaboration avec la société.

Objectif de neutralité carbone d’ici 2050

Pour atteindre cette neutralité, TotalEnergies prévoit une transformation radicale de son mix énergétique. À l’horizon 2050, le groupe produirait environ 50% de son énergie sous forme d’électricité (soit 500 TWh/an), 25% sous forme de molécules énergétiques bas carbone, et seulement 1 Mb/j d’hydrocarbures. Ce dernier chiffre représente près de quatre fois moins qu’en 2030, alignant ainsi l’action totalenergies avec le scénario Net Zéro de l’AIE.

Réduction des émissions de scopes 1 et 2

Concernant les émissions directes (scopes 1 et 2), TotalEnergies s’est fixé un objectif intermédiaire de réduction d’au moins 40% à horizon 2030 par rapport à 2015. Pour y parvenir, l’entreprise investit 1 milliard de dollars dans l’efficacité énergétique pour 2023-2025, suivi d’un second plan identique pour 2026-2028. Par ailleurs, le groupe vise une réduction de 80% de ses émissions de méthane entre 2020 et 2030, ainsi que l’élimination totale du brûlage de routine d’ici 2030.

Part croissante des énergies bas carbone

La transition vers les énergies bas carbone constitue un pilier essentiel de la stratégie du géant énergétique, avec des conséquences prévisibles sur le total energie bourse. TotalEnergies ambitionne d’atteindre une production d’électricité de plus de 100 TWh/an d’ici 2030, ce qui la placerait parmi les cinq premiers producteurs mondiaux d’électricité renouvelable.

En matière de biocarburants, l’entreprise privilégie la fabrication de carburants aériens durables pour décarboner le secteur aérien. Elle prévoit également d’accroître la part des matières premières circulaires à plus de 50% des matières utilisées pour produire des biocarburants d’ici 2025.

Enfin, TotalEnergies prévoit d’investir 5 milliards de dollars dans les énergies bas carbone en 2023, dont 4 milliards pour les énergies renouvelables et 1 milliard pour l’efficacité énergétique. D’ici 2030, environ un tiers de ses investissements annuels (14 à 18 milliards de dollars) sera consacré aux énergies bas carbone.

Trois scénarios pour l’avenir énergétique mondial

Pour orienter ses investissements et prévoir l’évolution de l’action total, TotalEnergies s’appuie sur trois scénarios prospectifs reflétant différentes trajectoires possibles de la transition énergétique mondiale. Ces projections déterminent en partie la stratégie du groupe et peuvent influencer considérablement la valeur de l’action totalenergies.

Le premier scénario, baptisé Trends, envisage une transition énergétique progressive qui suit les tendances actuelles. Dans cette perspective, la demande mondiale d’énergie augmenterait d’environ 30% d’ici 2050, tirée principalement par les pays émergents. Les énergies fossiles conserveraient une place prépondérante, représentant encore plus de 50% du mix énergétique mondial en 2050. Ce scénario, le moins ambitieux sur le plan climatique, pourrait maintenir la croissance à court terme du total energie bourse, mais présente des risques réglementaires à moyen terme.

Scénario Momentum : engagement renforcé des pays développés

Le scénario Momentum prévoit un engagement plus marqué des économies développées dans la transition énergétique. Il anticipe une accélération des politiques climatiques dans ces pays, avec notamment un déploiement massif des énergies renouvelables et une électrification accrue des usages. Dans cette hypothèse, la part des hydrocarbures dans le mix énergétique mondial reculerait significativement, tandis que les technologies de captage de CO2 se développeraient à grande échelle. Ce scénario médian pourrait favoriser une transformation progressive du modèle économique de TotalEnergies, avec des conséquences nuancées sur l’action total.

Scénario Rupture : coopération mondiale et transformation rapide

Le troisième scénario, Rupture, décrit une transition énergétique accélérée grâce à une coopération internationale sans précédent. Il suppose l’adoption massive des énergies renouvelables, le développement rapide de l’hydrogène vert et des biocarburants, ainsi qu’une modification profonde des comportements de consommation. Ce scénario, aligné avec l’objectif de neutralité carbone mondiale en 2050, implique une transformation radicale du secteur énergétique qui obligerait TotalEnergies à réorienter fondamentalement sa stratégie, avec des impacts potentiellement importants sur l’action totalenergies.

Ces trois scénarios constituent des outils d’analyse essentiels pour comprendre les orientations stratégiques du géant pétrolier français et anticiper l’évolution du total energie bourse dans un contexte énergétique mondial en pleine mutation.

Les leviers de la stratégie verte de TotalEnergies

La mise en œuvre concrète de la transition énergétique chez TotalEnergies repose sur plusieurs leviers technologiques et industriels qui pourraient influencer l’action total à moyen terme.

Électrification des usages finaux

TotalEnergies vise une production d’électricité dépassant 100 TWh/an d’ici 2030, ce qui la placerait parmi les cinq premiers producteurs mondiaux d’électricité renouvelable. Pour soutenir cette ambition, l’entreprise développe un réseau de recharge haute puissance comptant 1 500 sites en Europe à horizon 2030. Ce positionnement stratégique pourrait renforcer l’action totalenergies face à l’électrification croissante des usages.

Décarbonation de la production électrique

Le groupe prévoit d’atteindre 35 GW de capacité renouvelable d’ici 2025, puis 100 GW en 2030. Parallèlement, TotalEnergies développe des capacités de production flexible à partir de centrales à gaz (CCGT) et vise 5 GW de capacités de stockage dans le monde d’ici 2030. Cette approche intégrée garantit une électricité décarbonée disponible 24h/24.

Déploiement des gaz verts et carburants durables

TotalEnergies s’engage dans la production de biocarburants, notamment les carburants aériens durables (SAF). L’entreprise développe également le bioGNV, produit à partir de déchets verts, et l’hydrogène bas carbone pour décarboner ses raffineries européennes, ce qui permettrait de réduire leurs émissions directes jusqu’à 3 millions de tonnes par an d’ici 2030.

Captage et stockage du CO2 (CCS)

Le groupe se fixe comme objectif à 2030 de développer une capacité de stockage de CO2 de plus de 10 millions de tonnes par an. Le projet Northern Lights en Norvège, détenu à parts égales par TotalEnergies, Equinor et Shell, permettra initialement de stocker jusqu’à 1,5 million de tonnes de CO2 par an, puis 5 millions de tonnes à partir de 2028.

Recyclage et efficacité énergétique

TotalEnergies déploie un plan d’efficacité énergétique de 1 milliard de dollars sur 2023-2025, suivi d’un second plan identique pour 2026-2028. Dans l’économie circulaire, l’entreprise vise à produire 30% de polymères recyclés d’ici 2030 et a acquis la société Iber Resinas pour renforcer sa production de polymères circulaires en Europe.

Défis et limites de la transition énergétique

Malgré ses ambitions, TotalEnergies fait face à d’importants obstacles qui pourraient affecter l’action total dans les années à venir.

Inertie des infrastructures existantes

La durée de transformation des systèmes énergétiques reste conditionnée par la vie utile des actifs. Même avec l’interdiction de vente de véhicules thermiques en 2035, ceux-ci représenteront encore 20% du parc en 2050. Par ailleurs, les centrales à charbon, avec une durée de vie moyenne de 40 ans, seraient encore opérationnelles pour plus d’un tiers en 2050.

Manque d'investissements dans les réseaux

L’électrification des usages se heurte à un goulet d’étranglement au niveau des infrastructures. La Commission européenne estime qu’il faudra investir 584 milliards d’euros pour atteindre les objectifs de l’UE en matière d’énergies renouvelables. En effet, les files d’attente pour connecter de nouveaux projets sont considérables en Europe et aux États-Unis. Cela pourrait freiner la diversification du total energie bourse.

Technologies encore immatures ou coûteuses

De nombreuses technologies restent immatures et coûteuses, notamment l’hydrogène « vert » et le captage du carbone. L’intermittence structurelle des énergies renouvelables impose des coûts supplémentaires pour compenser leur variabilité.

Dépendance aux politiques publiques

La transition énergétique nécessite un appui gouvernemental fort. Les systèmes de permis actuels ne sont pas adaptés à la multiplication de projets de petite taille, ce qui pourrait ralentir la transformation de l’action totalenergies.